Le week-end est toujours trop court et on craint le dimanche soir, car il va falloir y retourner, se remettre à courir après le temps. Mais quand on a passé le week-end enfermé, on a soudain hâte de revoir son atelier. Le simple trajet pour rallier Talant devient un périple dont on savoure chaque mètre. Ah le soleil, l’air frais (très frais) du matin, les rues… vides, l’attestation dans la poche.
Du coup, à quoi avons-nous occuper ces deux derniers jours ?
chercher une série et se rendre compte que nous avions déjà vu toutes les meilleures
attaquer une pile de livres (pour les connaisseurs : des photographies de Jack London, les histoires inédites du Petit Nicolas, l’histoire visuelle de l’art typographique de McNeil, La pierre et le sabre de Yoshikawa) et comprendre qu’on n’a plus l’habitude de rester plusieurs heures sans bouger
lire la story de Grand Corps Malade et rire encore de son résumé du confinement avec enfants
essayer d’écrire un poème puis un petit texte et se trouver bien rouillé
aider ma femme à accrocher le planétarium reçu à Noël
faire découvrir à ma femme le jeu de mon enfance (ah ces parties interminables avec ma soeur) : SOS Animaux
survivre à un drame terrible : la rupture de stock sur la Nintendo Switch (confortée par l’arrêt des livraisons par les différents revendeurs)
lire des tribunes de certain.e.s écrivain.e.s ou journalistes et se rendre compte qu’on n’appartient pas au même monde qu’eux
Je n’ai ni jardin où s'ébrouer, ni salle de sport ou ni plaisir à ne rien faire. Se recentrer sur soi-même est un luxe de privilégiés. J’ai passé le samedi et le dimanche à m’occuper pour ne pas penser à ce confinement qui pèse sur nous tous, car au fond on aspire à repartir au boulot, pour sortir, voir du monde et ne pas finir comme tous ces Chinois qui ont divorcé après une trop longue promiscuité avec sa moitié.
Repartir au boulot car ça me donne l’impression de participer au monde, que j’en suis un membre actif, un rouage même infime. Promis j’en ferai même plus s’il faut, juste pour ne pas retrouver à nouveau sur le carreau, dans l’attente.
4 semaines ? 6 semaines ? Tout paraît si long à remplir soudain. On fait beaucoup de choses par dépit, pour tuer le temps, comme quand on mange sans arrêt à un apéro où on ne connaît personne.
Et encore, je suis un esprit givré, capable d’écouter un podcast d’une heure sur Tolkien ou Baudelaire, de 4 fois une heure sur Rimbaud.
Pourtant, je me demande comment les autres font pour supporter l’enfermement, l’incertitude sur la suite.
Lundi se pointe enfin ! Rallumer un peu les machines et écheniller ! Ah quel bonheur de se sentir opérant. Je crois qu’il faudra quelques semaines avant que les vieilles habitudes ne changent.
D’ailleurs je ne reste pas à l’atelier toute la journée, juste le matin, à petite dose, pour me désintoxiquer un peu. L’après-midi, je télétravaille selon le terme multi-consacré des derniers jours. On se rend compte qu’on peut faire beaucoup de choses depuis chez soi : envoyer des mails, gérer sa compta, réaliser des maquettes, engueuler ses salariés (pas encore essayé mais doit pouvoir se faire), payer ses fournisseurs,... Le tout en boxer, un vieux plaid sur les épaules, les joues mal rasées et vautré sur la canapé.
Travailler à 3 mètres de son lit, c’est vraiment ça l’avenir qu’on veut ?
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